Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
Télécharger gratuitement le Fichier Excel des relevés des naissances de Chézery (1680-1763) (version du 14 février 2021), trié par fratries, c'est à dire par Nom standardisé du père/Prénom standardisé du père/Nom standardisé de la mère/Prénom standardisé de la mère/Chronologie. Ce choix donne pour chaque couple la liste de leurs enfants dans l'ordre des naissances. Ce fichier a été entièrement réalisé par Ghislain Lancel. Il comporte l'ensemble des données relevées, y compris les parrains et marraines. Les colonnes en rouge sont celles imaginées par le releveur pour standardiser les noms, prénoms et lieux, le seul moyen de regrouper en des lignes voisines des personnes ou des lieux qui seraient dispersés en ne prenant en compte que les graphies lues, multiples, ou même différentes lorsque le nom de la branche l'emporte parfois sur celui du patronyme initial). Merci toutefois de nous signaler les erreurs relevées.
Comme pour Champfromier, le fichier des naissances (3836 actes) avec ses additifs (mariages, décès, actes notariés concernant cette personne), ses reconstitutions (plus de 2500 nouveaux individus, depuis le XVIe siècle ), à partir des sources d'archives consultées (notamment l'état de Chézery en 1608, avec 550 personnes citées dans les reconnaissances seigneuriales), et les personnes citées dans l'ouvrage sur Chézery, viendra plus tard, en complément des magistrales synthèses proposées par Bertrand Guyot dans ses ouvrages sur les Duraffour et les Gros (1ère partie).
Comme le registre des sépultures, celui des baptêmes est un ensemble de cahiers, assemblés il y a quelques décennies (La Reliure du Limousin, 2015) et constituant désormais un ouvrage d'environ 800 pages, avec un foliotage nouveau, porté en très petits chiffres, en bas à gauche des rectos, de 1 à 408, y compris pour quelques pages blanches. Les folios 142, 275 et 385, et leurs versos, ont été doublés par erreur. Ceux-ci se reconnaissent au signe typographique de l'apostrophe apposé après le numéro (142', etc.). On compte 3836 actes de baptêmes couvrant 83 années (1680-1763), quelques actes portés par erreur (décès) ou sur des sujets annexes (abjuration, fondation, etc.), ainsi que des notes généralistes (catastrophe, changement de souveraineté, etc.)
La sauvegarde des cahiers a été aléatoire. La première page du registre commence par un acte presque effacé dont le début manque, sans date, signé par Jean-Baptiste Rollet, curé de Champfromier. Il concerne un enfant de Philibert Joly et Philiberte Godet, ses père et mère mariés. L'enfant est né la veille à minuit, il eut par parrain Henry Benoist et pour marraine Guillauma Benoit ; tous cultivateurs de Cheyseri, qui n'ont su signer. Les lignes suivantes ne mentionnent qu'une date, le 5 février 1680.
Il manque au moins un recto-verso de baptêmes en mai 1696 ; des actes entre décembre 1708 et 15 mars 1709, bien que le vicaire Déplant ne soit destitué que le 25 février 1709 ; et probablement aussi quelques de baptêmes en février 1718, avant l'arrivée du recteur Ardoy.
Lorsque commence ce registre, l'abbaye de Chézery n'est plus le « curé » de la paroisse. Les moines, dont la règle de vie veut qu'ils soient cloîtrés, ne sont plus les prêtres de la paroisse. Des lors, depuis quelques décennies, des vicaires exercent désormais seuls les fonctions de prêtre séculier. Ils sont toutefois encore sous la coupe de l'abbé du couvent, qui les choisit, et intervient pour leur rémunération et leur hébergement à la future Vieille cure, une ancienne grange de l'abbaye.
L'une des raisons de l'étude du registre des baptêmes était de vérifier que les moines n'avaient pas totalement abandonné cette fonction de ministre de la paroisse. C'est bien le cas. Ainsi, entre les années 1681 et 1758, on ne relève pas moins de 276 actes de baptêmes ministrés (administrés) par des moines, toutefois le plus souvent en cas d'absence de prêtre pour cause de période de succession du vicaire de la paroisse, de maladie ou de voyage. Ces remplacements, bien réels, ne sont toutefois que peu nombreux, soit 7 % des actes et une moyenne de 3,3 par année.
Certaines fois, c'est vraiment le moine qui est sollicité. Le 7 février 1704, le religieux Dom Cotton baptise le premier enfant de Joseph Dujoux-Cotton, et en est « prié pour cela » étant donc très probablement apparenté à cette famille. Dubuisson (dit Colliex) officie deux fois en 1681, et de même Albert de la Biguerne son prieur.
Dom Claude Dujoux-Cotton, vraisemblablement Chézerand, est un religieux officiant pour 135 baptêmes en près de 34 ans (d'octobre 1681 à mai 1715), y compris en étant sous prieur (de juin 1685 à mars 1689). Lors du départ du prêtre Pochat (qu'on retrouvera bien plus tard à Eloise), c'est Dom Cotton qui le remplace complètement, du 23 octobre 1683 jusqu'à l'arrivée de Rolandé le 9 juin 1684, et il continuera d'ailleurs encore à baptiser occasionnellement après cette date. Notons que c'est à cette période, entre fin mai et le 15 juin 1684 que s'effectue le changement au profit de Challut, qui se qualifie de vicaire en chef !
On relève ensuite les noms de Dom Paccoret (28 actes, de 1684 à 1706), Dom Gros prieur (1 acte, en 1690), Reydellet, religieux puis cellérier (2 actes, en 1698 et 1699), Frère Nicod, connu pour être Jean-François Nicod-Lafferlé, durant 23 ans (97 actes, de 1727 à 1750), Frère (Pierre-François) Blanc (8 actes, de 1747 à 1755) et enfin Frère Bayard (3 actes, de 1755 à 1758). On retrouve aussi certains de ces moines officiant pour les inhumations. Ils procédaient probablement aussi à des mariages, mais là le registre manque, et l'on perd ainsi une occasion d'attester de la parenté de certains moines avec les grandes familles de Chézery.
Regrettons que les registres les plus anciens de Chézery, ceux tenus par les moines-curés, soient certainement partis en fumée dans l'autodafé initié par les révolutionnaires chézerands, le 10 août 1793...
Au début de l'ouvrage, la paroisse de Chézery est immense, comprenant Lélex et ses environs. La paroisse ne prend ses délimitations actuelles qu'à partir de début décembre 1695, probablement le premier jour de ce mois. D'ailleurs un registre spécifique de Lélex commence aussi à cette date. Ce même détachement s'observe dans le registre des décès.
Certains actes de Lélex ou de Bellecombe sont ainsi à chercher à Chézery.
La tenue des actes est très inégale, et certains vicaires semblent rechigner à enregistrer les actes administrés par des moines. On note ainsi une confession (placée en juillet 1705) dont le début est arraché, qui concerne « l'un des registres, que je certifie … (arraché) premières et dernières du rituel de l'église de Chesery, de quoi je souscris ». Et suivent une page de copies d'actes (connus) administrés par des moines, entre le 26 septembre 1688 et le 7 février 1704.
Le vicaire Jordan (1709-1718) est le plus complet, avec une graphie très agréable. Avec lui, on connaît souvent le lieu-dit de naissances de l'enfant (ou la paroisse d'origine du père), les titres des parents (Honnête, Demoiselle, etc.) et la profession du père quand elle est notable. Les parrains instruits signent.
Borcier, très souvent absent à la fin de sa carrière à Chézery, est remplacé fin 1703 par un nouveau vicaire, Deplant. Celui-ci rédigera durant plus d'une année presque tous ses actes en latin… Il semble bien que le châtelain, signant en tant que présent lors de deux baptêmes à la fin février 1705, intervienne en personne pour que les actes suivants soient rédigés en français, ainsi qu'il est de coutume depuis que François Ier fut souverain de ce territoire.
Le curé Mermet mentionne dans la marge un bon nombre de décès d'enfants morts en bas-âge (dès 1743), et qui ne sont pas repris au registre des sépultures. Une épidémie affectant les tous jeunes enfants pourrait justifier ces mentions marginales, abrégées, en latin, et ne portant pas toujours le mois ou l'année, parfois difficiles à transcrire avec certitude.
Certains cahiers ne sont que des doubles (d'originaux perdus). Ainsi, les actes ne sont pas toujours rédigés par les prêtres eux-mêmes, du moins pour Pochat ; en témoignent les graphies multiples et cette mention en 1683 « Pochat prêtre, quoi que non signé ».
Peu avant l'arrivée de Bozon (1747), qui a porté plusieurs précieuses notes dans ce registre, dont son recit sur l'écroulement de la tour. Les lieux de naissance recommencent à être mentionnés, en marge, parfois de manière très précise, d'autre fois ne faisant la distinction qu'entre Savoie et France, les deux pays où s'étend la paroisse. Des professions (horloger) apparaissent. On note un habitat inimaginable de nos jours, en des granges situées en tous points du territoire !
Au presbytère de Chézery, comme en d'autres paroisses, le prêtre est souvent entouré d'une partie de sa famille, ses parents ou même de jeunes enfants recevant une formation privilégiée.
Le curé Ardoy n'héberge pas seulement ses parents, son père, bourgeois de Rumilly, et sa mère, lesquels seront tous deux inhumés dans l'église de Chézery, mais probablement aussi un frère, le Sr Pierre Ardoy, aussi bourgeois de Rumilly, marié à une Dlle Etiennette de Michaille, qui auront 4 enfants baptisés à Chézery.
Plus tard Bozon héberge certainement Claudine Bozon, une femme portant son nom et sachant signer. Une famille de lapidaire semble avoir complété les locataires de la Vieille-Cure, sinon en un lieu dénommé la Sacristie !
Un acte de décès ne portant que l'année 1747, est celui d'une enfant de 6 mois, fille de Mr de Mermety de Montanges demeurant à Dijon (sans mention du nom de la mère), présumée décédée lors d'une longue épidémie affectant les enfants. Le prêtre, également du nom de Mermet et qui devait l'héberger et lui prodiguer une bonne instruction, a dû en être tellement affecté qu'il a porté l'acte de décès dans le registre des baptêmes, et qu'il oublia de préciser les jours et mois de l'acte. Ses peines n'empêchèrent pas que l'enfant soit cependant inhumée dans l'église de Chézery.
Le grand nombre d'enfants recevant le prénom, simple ou composé, de Roland, abbé charismatique de Chézery, ou féminisé en Rolande, n'est pas surprenant. C'est le cas pour 604 nouveau-nés (358 garçons et 246 filles). Les références bibliques l'emportent cependant avec 509 Joseph et 857 Marie ! Gaspard ou Angélique sont des originalités rares ! Notons cependant que l'enfant à baptiser porte très souvent le prénom de son parrain, ou de sa marraine. Ainsi se développent parfois des prénoms inédits (Marie-Victoire, Barthelemy, etc.)
Bien que proche du Pays de Gex, on ne voit à Chézery aucun protestant. En 1686, un parrain est accepté, après avoir abjuré la religion prétendue réformée.
On enregistre une abjuration, si loin de son pays d'origine (en Suisse) que personne ne viendra jamais lui en faire le reproche ! « je soussigné (Challut, prêtre) atteste avoir reçu l'abjuration d'hérésie de Jacqueline Moren, fille de feu Jean-Michel Moren, de Simpré, auprès de Morge en Suisse, avec la permission de Monseigneur de Genève, Jean d'Arenthon Dalex, et de présent les sieurs Pierre-François Gros-Duproz (qui signe Pierre f duporz) et Roland Julliard-Le Cavalier (qui signe Roland Julliand), de Chesery, … » (18 mars 1693).
Notons, en 1752, une exception à l'omniprésence du catholicisme s'observe avec le parrain d'une fille Jacquinod-Cary en la personne de « Joseph-Marie Jacquinod-Cary, fils de feu Roland Cary, domestique de Mr Bon, protestant de Genève ».
Être de la bonne religion, la religion catholique, n'est pas suffisant, encore faut-il en respecter les principes, et en premier celui de n'avoir d'enfants qu'après mariage ! Ils ne sont toutefois que 38 enfants illégitimes, du moins nés hors mariage.
A Chézery, la plupart des filles mères sont natives du village. La grossesse peut d'ailleurs être déclarée avant la naissance de l'enfant auprès du châtelain. Sinon, l'enfant illégitime est signalé à la mère-sage (sage-femme) dans les douleurs de l'accouchement. Plusieurs cas peuvent alors se présenter, suivant que la mère refuse de désigner le père, ou au contraire qu'elle le nomme. Et alors celui-ci accepte, ou refuse catégoriquement cette paternité ("sa fille appartient à Me Cabel curial, nonobstant son opposition"). Parfois le père disparaît prématurément, comme "Pierre Lardet, employé dans les gabelles de Savoie, en poste à Noire Combe, absent depuis quelques temps".
Deux de ces enfants illégitimes sont dirigés vers Lyon, Marie-Jeanne (Blanc/Blanc) remise en 1748 à l'Hôpital de Lyon, et enregistrée sous le n° 134 (ou 234 ?) ; et Claude (Blanc/Sage) "reçu à l'hôpital de Lyon et enregistré sous le n° 900, entré à 6 heures du soir le 15 novembre 1751, avec la somme de 72 livres".
Certaines mères viennent de loin pour masquer auprès de leur famille la honte de leur grossesse puis de leur accouchement. L'une vient d'Hotonnes ; une autre, Péronne Souchet, native de Sciez, près de Thonon en Chablais, vient accoucher à Chézery chez François Dujoux-Cotton d'une fille illégitime de Louis Thieus, "allemand de nationalité".
Certaines années la mortalité en bas-âge (avant 5 ans) ou lors de l'accouchement peut atteindre un ou deux enfants par page du registre (de 4 ou 5 naissances). Parfois l'enfant est baptisé en urgence sur la tête, la mère étant aussi en danger ; et les détails ne manquent souvent pas... "(baptisé sous condition) dans le ventre de sa mère, montrant la tête sans être dehors du ventre, et ce, à cause du danger de mort de l'enfant et de la mère" !
Sans être interpénétrables, les classes sociales sont distinctes, et les plus élevées se détachent bien lors du choix des parrains et marraines. A qui a étudié l'abbaye de Chézery, plusieurs de ces notables étonnent (chirurgiens, officiers gradés garde-sel, famille du prêtre, etc.). Ils forment une caste de privilégiés sans lien direct avec l'abbaye.
Les notables, qui tous savent signer, se reconnaissent aussi à leurs qualificatifs d'égrège, d'honorables, d'honnêtes, et autres discrets. Les femmes n'en sont pas exclues (Dlle d'Aloz, Dlle d'Arenthon, etc.) On ne sait pas où ces notables aux patronymes incontestablement locaux ont appris à lire et à écrire, puis reçus une solide instruction. On présume que ce sont les relations familiales qui leur ont ensuite permis d'exercer une fonction sortant de l'ordinaire des paysans. On note aussi la présence d'étrangers au village, comme des employés de S.A.R. (principalement à la gabelle), souvent qualifiés de Sieurs, installés à Chézery avec leur épouse, et qui fréquentent les notables. On observe que les souverainetés des lieux de cette paroisse découpée entre France et Savoie, passe après la classe sociale. En 1706, une fille de Jean Dandre, employé dans les gabelles de Savoie, de poste à Chesery, a pour parrain un notable de France, le Sieur Louys Passerat de la Chapelle, receveur des Fermes du Roy au bureau de Châtillon en Bugey.
On note une classe intermédiaire de notables, qui ne se croit pas assujettie à baptiser l'enfant le jour de sa naissance ou le lendemain. Elle prend parfois jusqu'à 8 jours pour choisir deux notables de leur rang pour parrain et marraine, très souvent un Sieur et une Demoiselle. Ils ont pour fonction celle de châtelain, curial, procureur fiscal ou fermier général de l'abbaye, officier de SAR, bourgeois, avocat, notaire, chirurgien ou maître (maréchal, charpentier, maçon, horloger).
Concernant les époux des classes inférieures, ils se trouvent et s'épousent généralement dans la paroisse, débordant parfois jusqu'à Confort ou Champfromier.
En dehors des professions des notables d'une part, et des paysans dont le métier n'est jamais cité d'autre part, on relève quelques fonctions d'artisans.
Les horlogers, du moins les maîtres, sont attestés à partir de 1748, mais ils étaient en fonction bien avant cette date, et ils faisaient suite à des assembleurs de pièces d'horlogerie, connus bien antérieurement. En 1680, des habitants de Chézery et de Champfromier, reprennent le sentier des moines que ceux-ci n'utilisaient plus pour aller s'approvisionner en pièces détachées chez les horlogers suisses, avec la tâche de les assembler de retour chez eux [Au Gralet, association AG3 (2013)]. Des horlogers seront attestés à Belle-Aigue, à Forens, et probablement à la Vieille-Cure.
Me Joseph Verchère est tailleur de drap et d'habits attesté dans les années 1693/1698.
La famille des verriers Schmit est bien connue pour sa présence à Chézery, dans les années 1747/1750 (deux mariages avec des filles de Chézery, et des naissances).
Les métiers féminins sont rares, à l'exception de celui de mère-sage (sage-femme), si souvent tristement évoquées pour recueillir le nom du père lors des naissances illégitimes, et témoigner d'un baptême par des privés lors des accouchements où l'enfant risque de perdre la vie. Elles sont plusieurs, mais pas toujours dénommées.
Les lieux-dits des lieux de naissance, sont nombreux, du moins avec les prêtres qui les mentionnent. On retiendra les plus énigmatiques, et d'abord Fonex (qui semble à identifier à Forens), et la Sacristie (qui serait la Vieille-Cure, ancien presbytère). La Bâtie témoigne aussi d'un lieu ancien, mais il n'est connu en ce registre que comme pseudonyme de la famille des Gros. Il semble être à Forens, et serait donc une réminiscence de l'éphémère Bâtie du Crêt de Chalam, construite par le Comte de Savoie en 1307/1308, et vite démolie.
Publication : Ghislain Lancel. Les actes ont été relevé par Ghislain Lancel.
Première publication le 3 févrrier 2021. Dernière mise à jour de cette page, idem.